Je m'attendais à tout. Je savais tout ce qui allait m'arriver. Et je m'en délectais d'avance. Je savais que ces trois jours seraient des jours merveilleux, intenses, dont je ressortirai gonflée à bloc, sur mon nuage, emplie d'enthousiasme et avec le plein de dynamisme refait jusqu'au bord.
Je savais que je dormirais mal. Je n'ai jamais réussi à bien dormir sous la tente. Le duvet qui s'emberlificote, mes épaules découvertes, le coussin qui est trop moelleux, le tapis de sol bien trop fin. De toutes manières, les nuits sont courtes quand on se couche après une soirée à chanter à perdre sa voix et à s'amuser à retrouver sa jeunesse !
Je savais qu'à la fin du week-end, je serai cracra, comme tout le monde, d'avoir transpiré dans mon jus et de n'avoir bénéficié que d'une toilette sommaire. Là pour le coup, j'étais vernie car ma tente était proche de vrais sanitaires avec de vrais douches chaudes... huuuumm...
Je me régalais déjà d'être au milieu de milliers de personnes, portées par le même élan, la même ferveur, chantant, criant, hululant, tapant dans les mains, battant des pieds.
J'avais hâte de m'asseoir dans la pelouse pour partager l'expérience des uns et des autres, faire des ateliers sur les pédagogies pour les jeunes, l'engagement des adultes, le développement durable, des tests amusants ou sérieux sur moi-même et ma relation aux autres, découvrir des millions de trucs drôles ou moins drôles.
Hâte de rencontrer Adrien, Younès, Carolina, Raul, et plein d'autres dont je ne sais même pas le nom, juste l'endroit d'où ils venaient : Népal, Cambodge, Portugal, Maroc, Royaume-Uni, Sénégal, Antilles, Réunion, Grèce, Italie, Israël, en tout plus de 65 nationalités différentes et des représentants de toute les régions de France.
Oui, je savais tout cela. Tout s'est passé exactement comme je l'escomptais. J'ai tout vécu intensément, j'ai emmagasiné encore et encore, apprécié chaque instant, tout gravé derrière mes yeux pour ne rien oublier !
Ce que je n'attendais pas, ce fut... un regard bleu un peu trop direct sous une crinière blonde. Des discussions à bâtons rompus à l'orée du bois, assis sur des souches. Une promiscuité imposée qui se révéla être plutôt troublante. Des frôlements peut-être pas tout à fait fortuits. Une attention plus soutenue lors des prises de parole...
Ce fut un émoi comme ceux que j'avais oubliés, enfermé dans une belle bulle irisée, qui flotte, qui flotte dans mon souvenir et amène sur mes lèvres un sourire attendri. Une jolie bulle de bonheur dans laquelle je ne peux rentrer à nouveau sous peine de la faire éclater et de m'éclabousser.
Je la regarde,
elle me ravit,
elle s'éloigne de plus en plus
et cela ne me fait rien,
heureusement...
Bande son : Me and Mrs Jones - Billy Paul