La première fois que j'ai entendu parler d'Hermann, c'était l'épouse du chef de mon mari qui m'en a parlé.....
"Il faut que tu viennes à la maison, il faut ab-so-lu-ment que je te présente Hermann ! Tu vas adorer !". Ah, ah... Hermann ? Je ne sais pas moi... un cochon d'inde ?
La voilà, enthousiaste, qui sort de sa cuisine et me tend un petit pot de yaourt, avec un drôle de brouet à l'intérieur.
"Voilà, m'explique-t-elle, voilà Hermann. Le premier jour, tu le bats, le deuxième jour, tu le bats, le troisième jour, tu le bats, le quatrième tu le nourris, le cinquième jour tu le bats, le sixième jour, re-belote, ainsi que le septième, le huitième tu le nourris, le neuvième, encore une trempe et le dixième, alleluia ! Tu rajoutes ça, ça, et puis ça, des fruits ou des épices..et tu le cuis.. mais avant surtout, tu en prélèves deux petites parts, une que tu donnes, une que tu gardes".
Marrant, me dis-je, "merci Nicole". Je mets Hermann dans le frigo et je m'ingénie, les jours suivants.. Le problème est qu'à partir du huitième jour, la bestiole prend de la place dans le frigo et qu'il faut faire ses courses en fonction de l'état de développement de la chose. Dixième jour... tout le monde dans la cuisine pour assister à la transformation... Ca fait quand même deux gâteaux... Ca cuit... et puis on goûte... Bleark... C'est comme... un kouglof raté. Seuls les gens de l'Est ont apprécié (heureusement, ma belle-mère était là) ;-)
Je remets Hermann dans le frigo et réitère le truc. Au bout du dixième jour, il restait quand même quelques bouts pas finis des gâteaux précédents... Et là... je me souviens que chez ma chère copine Nicole... dans le jardin, sur le muret étaient disposés en rang d'oignon des bouts de trucs que les oiseaux picoraient et que je subodore immédiatement qu'ils font partie de son Hermann... "Alloooooooooooooooooo ? Dis moi, Nicole.... et bla bla bla.." "Ben oui, me dit-elle... y a que Jean-Gabe qui aime ça.. les enfants préfèrent les gâteaux au beurre (c'est une Bretonne) et moi-même....". Lol.
La semaine d'après, j'ai oublié fort opportunément de nourrir Hermann. Malgré les appels forcenés qu'il me faisait quand j'ouvrais mon frigo, je détournais le regard pour ne pas voir son ventre ballonné et ses yeux implorants. Au bout de quelques jours, il était carrément exsangue... il s'était séparé en trois couches... celle du fond, couleur analyse d'urine du matin...... au milieu, couleur vomi après raclette au vin blanc... et celle du dessus, une espèce de pâte rugueuse blanchâtre.
J'ai décidé de le faire piquer........ une tête dans la poubelle, avec quelques remords quand même... se sépare-t-on d'un gâteau qui a un nom, je vous le demande !!
Voilà Hermann, donc... le gâteau empoisonné. Car si votre copine débarque deux semaines après vous avoir refilé Hermann.. et qu'elle ne voit pas de morceaux traîner dans votre demeure, elle en concluera que :
- soit y a un fou à enfermer chez vous qui aime Hermann,
- soit vous avez jeté son truc à la poubelle... ce qui n'est pas très aimable pour votre amitié.
Bon, c'est sûr, on n'est pas obligé... ça ressemble un peu aux chaînes de cartes postales qu'on faisait quand on était gamins et pour lesquelles, pour ma part, je n'ai jamais vu aucun résultat. M'enfin, c'est drôle... tellement drôle qu'avec mes copines de l'école, on s'est dit qu'on allait en faire un pour rigoler, avant Noël. Histoire de se dire que c'est bien dégueulasse, mais qu'on s'aime beaucoup quand même..